samedi 30 janvier 2010

SFAR ET GAINSBOURG, HEROIQUES





Le pari de Joann Sfar est franchement osé. Dessinateur de BD, il choisi pour sa première expérience au cinéma de réaliser un biopic. Et pas n'importe lequel : celui de Serge Gainsbourg, icône provoc' et poétique de la chanson française. Sfar s'attaque donc à un monument, et prend le risque de s'attirer les foudres de la France entière. Ajoutons à cela la multitude de films qui s'emparent, avec plus ou moins de réussite, des icônes populaires, et Gainsbourg – vie héroïque semblait déjà mort et enterré.

Mais voilà, Sfar n'est pas un cinéaste comme les autres, et sa vision de Gainsbourg dépasse largement le point de vue strictement biographique. Ceux qui, en regardant la bande d'annonce, s'attendaient à une représentation rigoureuse et sans saveur de la vie de l'Homme à tête de choux ont de quoi être déçus. Le réalisateur a en effet rigoureusement préservé tout l'intérêt de son film, ne dévoilant dans les différents teasers au fil des mois que les images que voulaient voir les spectateurs. Même si l'on retrouve les incontournables anecdotes qui ont forgé le mythe Gainsbourg, elles sont traitées avec une certaine distance qui leur donne une nouvelle dimension.

Le choix de désigner Gainsbourg – vie héroïque sous l'appellation de «conte» est peut-être le seul indice laissé par Sfar à propos de son parti-prix de mise en scène. Il intègre à l'univers déjà bien rempli de l'auteur-compositeur-interprète français un peu de son univers graphique, donnant au film un surréalisme et une poésie surprenante, sans être omniprésente, peut-être même un peu trop laissée de côté au fur et à mesure. Cette esthétique si personnelle est une véritable réussite, et sûrement ce qui manque aux autres biopics sortis ces derniers mois sur nos écrans.

Les personnages incontournables de la vie de Gainsbourg sont bien entendu intégrés à l'histoire, de façon plus ou moins exploitée (France Galle et Juliette Gréco ne sont là que pour le clin d'oeil), et parfois avec un certain manque de finesse (Casta prenant le parlé «haché» de Bardot, un peu trop...). Mais Sfar semble avoir prit un plaisir fou à chercher les perles rares pour incarner ces icônes et les acteurs ne disparaissent pas totalement sous ces personnalités connues de tous, Lucy Gordon en tête. Quant à Eric Elmosnino, s'attaquer à l'immense Gainsbarre ne devait pas être chose facile, et il s'en tire avec brio, captant mimiques et postures sans tirer vers la caricature.

Sfar évite donc les erreurs de ses confrères, ne cherchant pas à donner au public ce qu'il attend, et réinventant le mythe Gainsbourg sans le dénaturer. Malgré un rythme qui a tendance à perdre de son dynamisme en cours de route, ce film est une réussite.

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