jeudi 18 mars 2010

LA RAFLE, FILM OU TEMOIGNAGE ?


Depuis quelques années, le cinéma français devient le témoin d'une étrange prise de conscience de l'opinion populaire. Une responsabilité dure à assumer, celle de la participation de notre pays aux atrocités de la seconde guerre mondiale. La Rafle, de la réalisatrice Roselyne Bosch, fait parti de ces films là.

Un peu comme l'avait fait Rachid Bouchareb en 2006 avec son Indigènes, Bosch choisi de nous livrer sa version de l'Histoire, ou plutôt d'une « petite » histoire dans la grande. Là où Bouchareb choisissait de nous montrer l'engagement des populations coloniales sous le drapeau français durant le conflit, La Rafle se penche sur les événements du 16 juillet 1942. Sous des ordres nazis, la police française fait arrêter des milliers de juifs à Paris, et les fait rassembler au Vélodrome d'Hiver avant de les déporter vers les camps de concentration polonais. Sujet à la fois connu et inconnu, mais surtout complexe à traiter d'un point de vue de fiction.

Car même s'il est présenté comme une illustration fidèle des événements de l'époque, La Rafle reste avant tout un film. Naviguant entre les quartiers juifs parisiens et les états majors français et allemands, la réalisatrice tente de faire un tour complet du propos, en nous montrant à toutes les échelles la cruauté, la faiblesse, le courage et la fierté des hommes et des femmes du temps. Le film cherche peut-être même à tout dire à la fois, prenant parfois des airs de reconstitution pédagogique pour la télévision. Cependant, la seconde moitié du film trouve un équilibre plus juste dans la narration, se concentrant d'avantage sur le propos central, ces hommes, ces femmes et ces enfants condamnés par la fureur nazie et la dérangeante collaboration du régime de Vichy.

Bosch choisi de focaliser son récit par plusieurs personnages, des enfants juifs découvrant l'horreur antisémite à l'infirmière dévouée, en passant par les hauts fonctionnaires français qui hantent nos manuels d'Histoire. Les acteurs, Mélanie Laurent et Jean Reno en tête, portent plutôt bien le film, et Gad Elmaleh offre une performance plutôt surprenante pour son premier vrai rôle dramatique. Pourtant, on ne sait plus très bien si la force de La Rafle réside dans son sujet ou dans le film lui-même, comme c'est souvent le cas lorsque l'on traite de cette période encore douloureuse de notre histoire. La fin, peut-être trop romancée, atténue un peu l'ambition de témoignage historique énoncée en début de projection.

Malgré cela, La Rafle reste un film à voir, un regard sur l'Histoire et l'histoire.

jeudi 11 mars 2010

BULLETIN INFO

Après des dizaines de mails de protestation de mes nombreux fans (c'est-à-dire 1), j'ai finalement changé les paramètres du blog afin que vous puissiez laisser vos commentaires sur les articles.

Merci qui ?!

L'INSTANT M

mercredi 10 mars 2010

UNE BIEN TROP LISSE EDUCATION


Une éducation est un de ces films au sujet intriguant, aux noms d'acteurs qui attirent l'attention, et à la promo assez bien rodée pour vous donner envie d'aller y jeter un coup d'oeil.

Sur le papier, en effet, la cinquième réalisation de Lone Scherfig est plus que prometteuse : l'histoire (signé de l'excellent auteur anglais Nick Hornby) est celle de Jenny, jeune anglaise des années 60 promise à un avenir radieux à Oxford qui, au contact d'un homme beaucoup plus agé qu'elle, va remettre tout son avenir en question. Peinture d'une Angleterre en plein changement, le film restitue en effet à la perfection l'ambiance et l'ambition d'une génération qui s'apprête à découvrir la musique des Beatles. Seulement voilà : au delà d'une bonne histoire, Une éducation oscille entre clichés et invraisemblances. Malgré des personnages réussis et de bons dialogues, certains aspects du scénario sont plus que prévisibles, et bien trop lisses face au potentiel du sujet traité (l'happy-end gâchant même en grande partie le film).

La réalisation, quant à elle, n'a rien de très novateur, excepté peut-être le bref séjour des deux amants à Paris, qui offre à la réalisatrice l'occasion de créer une esthétique plus poussée. Quelques plans paraissent même plutôt ingénieux. Mais ce qui fait le réel intérêt du film est sans nul doute ses deux acteurs principaux. A eux deux, ils portent le film, lui donnant peut-être son plus grand intérêt. Peter Sarsgaard est tout simplement remarquable dans la peau d'un faux intellectuel un peu bandit, confirmant son statut d'acteur incontournable du cinéma anglo-saxon. Carey Mulligan réussi à donner à son personnage de jeune femme en quête d'émancipation un relief, et nous offre une interprétation qui mérite amplement sa nomination à l'Oscar de la meilleure actrice.

Malheureusement, au delà des très bonnes performances des deux acteurs principaux, Une éducation reste un film inégal, étrangement trop romancé (alors que tiré des mémoires de Lynn Barber, journaliste du Sunday Times), peut-être trop prometteur et donc, forcément un peu décevant...

jeudi 11 février 2010

JUSQU'A TOI... OU PAS


Cette semaine sort en DVD Jusqu'à toi, comédie romantique française et premier film de Jennifer Devoldere.


La comédie romantique n'est pas à première vue le genre où les réalisateurs français brillent le plus par leur originalité et leur talent. On se retrouve bien souvent face aux même ingrédients plus ou moins bien mélangés : une/un trentenaire avec un super boulot, des amis un peu lourds mais plutôt attachants, une vie sentimentale proche du néant et une légère tendance à la neurasthénie. Bref, on n'innove pas vraiment de ce côté de la Manche, bien loin derrière les productions plutôt réussies de nos voisins anglais. Mais en regardant sa bande d'annonce, le Jusqu'à toi de Jennifer Devoldere semble plein de promesses, surtout celle de dépoussiérer les clichés bien français du genre.

L'histoire elle seule arrive à attirer l'attention : Chloé, 26 ans (et pas 30 !) a peur de tout et rêve à l'homme idéal. Jack, américain, gagne un voyage à Paris. L'une se retrouvant par hasard en possession de la valise de l'autre, un étrange chassé-croisé se met alors en place entre les deux personnages. Le scénario vaut effectivement le détour, mais son développement, un peu moins. Si les angoisses et les rêveries de Chloé (Mélanie Laurent, qui a une fâcheuse tendance à avoir trop de charisme, ou pas assez de jeu, au choix) font sourire, si certains seconds rôles sont franchement drôles (Billy Boyd, qui n'est pas seulement l'un des hobbits du Seigneur des Anneaux, mais aussi un acteur prometteur), certains personnages, comme ceux d'Arié Elmaleh et Géraldine Nakache, mériteraient plus qu'une simple apparition de quelques minutes.

Le scénario se perd quelque fois dans ses envies de paraître décalé ou légèrement absurde (cherchant peut être trop à s'inspirer de la nouvelle école comique américaine), ou n'exploite pas assez une esthétique poétique bien présente. Pourtant, si l'histoire passe par des raccourcis trop faciles, la réalisation est plutôt réussie. Certains plans sont même d'une beauté stupéfiante, d'autres d'une ingéniosité remarquable. On sent une caméra à la fois ambitieuse et pudique, le tout souligner d'une bande originale audacieuse (même si le morceau présent dans la bande d'annonce du film est attendu en vain).

Pour son premier long métrage, Jennifer Devoldere nous offre donc un Jusqu'à toi mitigé, entre beauté de l'image et fragilité presque touchante de la narration. Une comédie romantique trop peu rythmée, qui arrache quelques sourires, mais qui a surtout l'avantage d'innover face aux autres films français du genre.

mardi 9 février 2010

L'INSTANT M

"TETRO", COPPOLA ET LES AUTRES


Quand on parle de Coppola, on pense bien entendu aux chef d'oeuvres dont il est l'auteur (Le Parrain, Apocalypse Now ou encore Rusty James, pour ne pas les citer), mais aussi à ses derniers films qui ont, eux, moins convaincu le public et la critique. L'annonce d'un nouveau projet avec Vincent Gallo (acteur autant adulé que détesté) sonnait donc pour les fans comme une promesse de retour triomphant, d'autant plus que le cinéaste déclarait vouloir revenir aux sources. Tout cela ne présageait donc que du bon.

Sauf qu'en sortant de la salle de cinéma, Tetro semble à la fois respecter le contrat et déborder un peu du sujet. L'histoire est présentée comme quasi-autobiographique par Coppola lui-même (déclarant y parler de sa relation avec son propre frère) et traite d'un sujet qui lui est apparemment cher, la famille. Benjamin débarque chez son frère aîné, Angelo, qui s'est exilé en Amérique du Sud depuis une dizaine d'années, coupant les ponts avec sa famille. Ce dernier semble désormais vivre une vie paisible, se fait appeler Tetro, et tente par tout les moyens de se détacher son passé. Sur le papier, le scénario est prometteur. La première heure du film laisse traîner les choses, ne révélant que peu à peu un malaise profond entre les deux frères, et le twist final reste surprenant. Cependant, à force de mystères et non-dits, on a parfois un peu de mal à s'y retrouver, et certaines des dernières scènes peuvent paraître inutiles car trop peu exploitées.

Pourtant, on ne peut s'empêcher de saluer la réalisation du film. Si certains lui ont trouvé aspect un peu vieillot, le noir et blanc est pourtant magnifique, et semble parfaitement logique. Coppola fait la part belle à des plans fixes qui rendent certainement hommage à ceux des films américains des années 50. Le réalisateur semble vampiriser toute sorte d'univers (celui d'Almodovar en tête), et nous livre donc un film hybride, sur le fil, presque inclassable, à l'image de son acteur principal. Vincent Gallo, figure emblématique du cinéma underground des années 80, nous livre un Tetro torturé, instable, perdu entre deux mondes. Une performance d'acteur qui renvoie au placard les jeunes minets qui font la joie des studios hollywoodiens. Coppola cherche à reprendre son indépendance, à se sortir d'un cadre qu'il avait lui-même contribuer à construire.

Même si le scénario reste un peu confus, Tetro n'en reste pas moins un grand film, qui sonne à la fois comme un renouveau et un testament cinématographique remarquable.