jeudi 11 février 2010

JUSQU'A TOI... OU PAS


Cette semaine sort en DVD Jusqu'à toi, comédie romantique française et premier film de Jennifer Devoldere.


La comédie romantique n'est pas à première vue le genre où les réalisateurs français brillent le plus par leur originalité et leur talent. On se retrouve bien souvent face aux même ingrédients plus ou moins bien mélangés : une/un trentenaire avec un super boulot, des amis un peu lourds mais plutôt attachants, une vie sentimentale proche du néant et une légère tendance à la neurasthénie. Bref, on n'innove pas vraiment de ce côté de la Manche, bien loin derrière les productions plutôt réussies de nos voisins anglais. Mais en regardant sa bande d'annonce, le Jusqu'à toi de Jennifer Devoldere semble plein de promesses, surtout celle de dépoussiérer les clichés bien français du genre.

L'histoire elle seule arrive à attirer l'attention : Chloé, 26 ans (et pas 30 !) a peur de tout et rêve à l'homme idéal. Jack, américain, gagne un voyage à Paris. L'une se retrouvant par hasard en possession de la valise de l'autre, un étrange chassé-croisé se met alors en place entre les deux personnages. Le scénario vaut effectivement le détour, mais son développement, un peu moins. Si les angoisses et les rêveries de Chloé (Mélanie Laurent, qui a une fâcheuse tendance à avoir trop de charisme, ou pas assez de jeu, au choix) font sourire, si certains seconds rôles sont franchement drôles (Billy Boyd, qui n'est pas seulement l'un des hobbits du Seigneur des Anneaux, mais aussi un acteur prometteur), certains personnages, comme ceux d'Arié Elmaleh et Géraldine Nakache, mériteraient plus qu'une simple apparition de quelques minutes.

Le scénario se perd quelque fois dans ses envies de paraître décalé ou légèrement absurde (cherchant peut être trop à s'inspirer de la nouvelle école comique américaine), ou n'exploite pas assez une esthétique poétique bien présente. Pourtant, si l'histoire passe par des raccourcis trop faciles, la réalisation est plutôt réussie. Certains plans sont même d'une beauté stupéfiante, d'autres d'une ingéniosité remarquable. On sent une caméra à la fois ambitieuse et pudique, le tout souligner d'une bande originale audacieuse (même si le morceau présent dans la bande d'annonce du film est attendu en vain).

Pour son premier long métrage, Jennifer Devoldere nous offre donc un Jusqu'à toi mitigé, entre beauté de l'image et fragilité presque touchante de la narration. Une comédie romantique trop peu rythmée, qui arrache quelques sourires, mais qui a surtout l'avantage d'innover face aux autres films français du genre.

mardi 9 février 2010

L'INSTANT M

"TETRO", COPPOLA ET LES AUTRES


Quand on parle de Coppola, on pense bien entendu aux chef d'oeuvres dont il est l'auteur (Le Parrain, Apocalypse Now ou encore Rusty James, pour ne pas les citer), mais aussi à ses derniers films qui ont, eux, moins convaincu le public et la critique. L'annonce d'un nouveau projet avec Vincent Gallo (acteur autant adulé que détesté) sonnait donc pour les fans comme une promesse de retour triomphant, d'autant plus que le cinéaste déclarait vouloir revenir aux sources. Tout cela ne présageait donc que du bon.

Sauf qu'en sortant de la salle de cinéma, Tetro semble à la fois respecter le contrat et déborder un peu du sujet. L'histoire est présentée comme quasi-autobiographique par Coppola lui-même (déclarant y parler de sa relation avec son propre frère) et traite d'un sujet qui lui est apparemment cher, la famille. Benjamin débarque chez son frère aîné, Angelo, qui s'est exilé en Amérique du Sud depuis une dizaine d'années, coupant les ponts avec sa famille. Ce dernier semble désormais vivre une vie paisible, se fait appeler Tetro, et tente par tout les moyens de se détacher son passé. Sur le papier, le scénario est prometteur. La première heure du film laisse traîner les choses, ne révélant que peu à peu un malaise profond entre les deux frères, et le twist final reste surprenant. Cependant, à force de mystères et non-dits, on a parfois un peu de mal à s'y retrouver, et certaines des dernières scènes peuvent paraître inutiles car trop peu exploitées.

Pourtant, on ne peut s'empêcher de saluer la réalisation du film. Si certains lui ont trouvé aspect un peu vieillot, le noir et blanc est pourtant magnifique, et semble parfaitement logique. Coppola fait la part belle à des plans fixes qui rendent certainement hommage à ceux des films américains des années 50. Le réalisateur semble vampiriser toute sorte d'univers (celui d'Almodovar en tête), et nous livre donc un film hybride, sur le fil, presque inclassable, à l'image de son acteur principal. Vincent Gallo, figure emblématique du cinéma underground des années 80, nous livre un Tetro torturé, instable, perdu entre deux mondes. Une performance d'acteur qui renvoie au placard les jeunes minets qui font la joie des studios hollywoodiens. Coppola cherche à reprendre son indépendance, à se sortir d'un cadre qu'il avait lui-même contribuer à construire.

Même si le scénario reste un peu confus, Tetro n'en reste pas moins un grand film, qui sonne à la fois comme un renouveau et un testament cinématographique remarquable.